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RÉSURGENCE COMMENCE PAR L'AUTODAFÉ DU FESTIVAL DES VOIX DE LA MÉDITERRANÉE


Samedi 15 juillet, le matin en allant au marché, je suis tombée en arrêt devant une scène qui m'a hérissé le poil...


Un groupe, visiblement chargé de la scénographie du festival Résurgence, était posté devant les palissades qui entourent le Musée Fleury en travaux. Toute cette joyeuse bande déchirait allègrement des livres...


Dans une ville où le musée est fermé pour 2 ans de travaux, et où la décision de détruire un festival de poésie âgé de 17 ans, venait d'être prise sans aucune consultation des habitants, j'ai trouvé le symbole révoltant.


J'ai fait part à l'un des assistants de la scénographe de mon ébahissement et de ma stupéfaction devant cet autodafé, sans récolter d'autre commentaires que :

"Ce sont des livres que la médiathèque allait jeter, c'est pas grave, ils ont été édités en plein d'exemplaires..." ;

et le personnage de se remettre à coller en toute quiétude les pages arrachées sur la palissade.


Mais qu'est-ce qu'un autodafé ? Que veut dire ce mot à l'origine ? Il apparait en 1687 et vient du portugais « auto-da-fé » et du latin « actus fidei » ce qui veut dire littéralement « acte de foi ». L'autodafé est un jugement émis au nom d'un dieu, d'une foi quelconque, par lequel on condamne un être, un livre, une œuvre et/ou une idée à périr, souvent, mais pas obligatoirement, par le feu.


J'ai essayé de poursuivre la discussion, expliquant que détruire un livre, c'est symboliquement détruire la culture, l'idée contenue dans l'ouvrage, la pensée de son auteur... Devant l'incompréhension palpable de mon interlocuteur, et poussant le bouchon plus loin, j'exprimais que c'est un acte usuel dans les tyrannies, que l'inquisition, le 3ème Reich, DAESH produisaient de tels effets...

Peine perdue, j'obtiens juste :

"Faut pas pousser tout de même, ce ne sont que de vieux bouquins..."


Alors, pensant arriver à me faire comprendre en empruntant une autre voie, j'ai demandé au jeune homme le sens des décors arabo-andalous qui ornaient la Grand'Rue, des poissons tous bleus et tous dans le même sens qui défilaient sur les trottoirs et les murs de la ville, ainsi que des pin-up de l'entre deux guerres, en maillot de bain... (je n'avais pas encore vu les petits bateaux et les flamands roses...) Et là j'obtins la réponse suivante :

"C'est pour représenter toutes les cultures méditerranéennes".


Ah, bon ? C’est tout ? Alors, avec les sardines, la Croisette et une mosquée on représente toute la culture de la méditerranée ? N'est-ce pas un peu court ?


Je devais être d'humeur badine, car j'ai insisté... Et j'ai posé la question à 100 sous : bien entendu avant de proposer ce projet, ils s'étaient renseignés sur l'histoire de la ville de Lodève ? Il me fut répondu :

"Ben non, pourquoi faire ? Fallait juste répondre à l'appel à projet et présenter un concept pour décorer la ville !"


Mais qu'est-ce qu'un concept, à part un mot à la mode ?


Voyons ce qu'en dit Wikipédia pour aller au plus court : Un concept est une représentation générale et abstraite de la réalité d'un objet, d'une situation ou d'un phénomène; il n'est pas synonyme de notion car plus abstrait (par exemple, la notion de table, le concept de liberté). Concept vient du participe passé latin « conceptus » du verbe « concipere », qui signifie « contenir entièrement », « former en soi ». Le concept se distingue donc aussi bien de la chose représentée par ce concept, que du mot, de la notion, ou de l'énoncé verbal, qui est le signifiant de ce concept.


C'est donc la représentation abstraite d'une réalité... Voila qui me laisse songeuse. On sait depuis Socrate que ce qui fait l'Homme c'est la capacité d'abstraction, la pensée pour dire simplement les choses. Comment penser une chose dont on ne sait rien ?


Comment contenir entièrement l'idée de la multiplicité qu'est la Culture Méditerranéenne, sans s'interroger sur ce qu'est la ville qui va accueillir le décor sensé tout représenter ? Sans se questionner sur les peuples qui en sont l'âme vive ?


« Vous pensez trop, Madame ! Il ne s’agit, après tout, que d’un décor ! »


Un décor indigent, plaqué sur le cadavre (pas encore froid : Cf. Urgence poésie) d'un Festival où la culture explosait à chaque coin de rue, où l'échange, les idées, fusaient de toutes parts... Festival qui permit des ouvertures d'esprit, qui lança des paresselles vers les écoles, une transversalitée bienvenue des enseignements, des ateliers d'écritures qui incitèrent plus d'un jeune à ouvrir des livres et même à en écrire, à venir écouter en arabe, en français, en albanais, en hébreux, en turque... des textes d'une beauté et d'une puissance inégalables. Festival qui attirait des milliers de visiteurs, touristes proches ou lointain et qui produisait, outre de la richesse intellectuelle, une autre richesse bien plus terre à terre dans les commerces de la ville...

Je ne parlerai pas des spectacles du nouveau Festival Résurgence, n'ayant eu le temps d'assister qu'à la débandade des festivaliers sur une déambulation infantilisante...


Une dernière question : Quel concept peut ressurgir (résurgence) d'un concept trou noir ?


Mais, oui, sans doute, je pense trop... En fait c'est même trop que de penser... Sautons vite dans le trou noir...

Voir les photos dans Résurgence et Urgence Poésie 2015

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